•                          Bertrand Belin 

    Il y aura encore un jour
    Encore une nuit noire
    Mais ce sera le dernier jour
    La dernière nuit noire
    Au matin les rues seront pleines
    De verbes et de larmes
    Pleines de muscles
    Pleines de prières
    D’oriflammes

    Allons au jardin public
    Main dans la main
    Cueillir la marguerite
    Qui nous revient

    Et le sang reviendra
    Comme toujours dans nos veines
    Le sang reviendra
    Comme toujours dans nos veines

    Cela se passera sûrement
    Entre deux comètes
    Dans l’infiniment grand
    Ce sera jour de fête
    Dans le chas d’une aiguille
    Les chiens comme les enfants
    Formeront des chenilles
    Sans comprendre vraiment

    Allons au jardin public
    Main dans la main
    Cueillir la marguerite
    Qui nous revient

    Et le sang reviendra
    Comme toujours dans nos veines
    Mais le sang reviendra
    Un torrent dans nos veines

    Un drapeau jamais vu
    On se roulera dedans
    Peut-être pour un siècle
    Peut-être pour un an

    Allons au jardin public
    Main dans la main
    Cueillir la marguerite
    Qui nous revient


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  •                                            Brassens Georges 

    Il y a péril en la demeure,
    Depuis que les femmes de bonnes mœurs,
    Ces trouble-fête,
    Jalouses de Manon Lescaut,
    Viennent débiter leurs gigots
    A la sauvette.

    Ell’s ôt’nt le bonhomm’ de dessus
    La brave horizontal’ déçue,
    Ell’s prenn’nt sa place.
    De la bouche au pauvre tapin
    Ell’s retir’nt le morceau de pain,
    C’est dégueulasse.

    En vérité, je vous le dis,
    Il y en a plus qu’en Normandie
    Il y a de pommes.
    Sainte-Mad’lein’, protégez-nous,
    Le métier de femme ne nou-
    rrit plus son homme.

    Y a ces gamines de malheur,
    Ces goss’s qui, tout en suçant leur
    Pouc’ de fillette,
    Se livrent au détournement
    De majeur et, vénalement,
    Trouss’nt leur layette.

    Y a ces rombièr’s de qualité,
    Ces punais’s de salon de thé
    Qui se prosternent,
    Qui, pour redorer leur blason,
    Viennent accrocher leur vison
    A la lanterne.

    Y a ces p’tit’s bourgeoises faux culs
    Qui, d’accord avec leur cocu,
    Clerc de notaire,
    Au prix de gros vendent leur corps,
    Leurs charmes qui fleurent encor
    La pomm’ de terre.

    Lors, délaissant la fill’ de joie,
    Le client peut faire son choix
    Tout à sa guise,
    Et se payer beaucoup moins cher
    Des collégienn’s, des ménagèr’s,
    Et des marquises.

    Ajoutez à ça qu’aujourd’hui
    La manie de l’acte gratuit
    Se développe,
    Que des créatur’s se font cul-
    buter à l’œil et sans calcul.
    Ah! les salopes!

    Ell’s ôt’nt le bonhomm’ de dessus
    La brave horizontal’ déçue,
    Ell’ prenn’nt sa place.
    De la bouche au pauvre tapin
    Ell’s retir’nt le morceau de pain,
    C’est dégueulasse.


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  •                                     Brassens Georges 

    Sans ces cheveux qui volent
    J'aurais, dorénavant,
    Des difficultés folles
    A voir d'où vient le vent.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Je me demande comme
    Subsister sans ses joues
    M'offrant deux belles pommes
    Nouvelles chaque jour.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Sans sa gorge, ma tête,
    Dépourvue de coussin,
    Reposerait par terre
    Et rien n'est plus malsain.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Sans ses hanches solides
    Comment faire, demain,
    Si je perds l'équilibre,
    Pour accrocher mes mains?

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Elle a mille autre choses
    Précieuses encore
    Mais, en spectacle, j'ose
    Pas donner tout son corps.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Des charmes de ma mie
    J'en passe et des meilleurs.
    Vos cours d'anatomie
    Allez les prendre ailleurs.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    D'ailleurs, c'est sa faiblesse,
    Elle tient à ses os
    Et jamais ne se laisse-
    rait couper en morceaux.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Elle est quelque peu fière
    Et chatouilleuse assez,
    Et l'on doit tout entière
    La prendre ou la laisser.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.


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  •          Georges Brassens

    Les copains affligés, les copines en pleurs
    La boîte à dominos enfouie sous les fleurs
    Tout le monde équipé de sa tenue de deuil
    La farce était bien bonne et valait le coup d’œil

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    L’enterrement paraissait officiel. Bravo!

    Le mort ne chantait pas : "Ah! c’qu’on s’emmerde ici!"
    Il prenait son trépas à cœur, cette fois-ci
    Et les bonshomm’s chargés de la levée du corps
    Ne chantaient pas non plus "Saint-Eloi bande encor!"

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    Le macchabée semblait tout à fait mort. Bravo!

    Ce n’étaient pas du tout des filles en tutu
    Avec des fess’s à claque et des chapeaux pointus
    Les commères choisies pour les cordons du poêle
    Et nul ne leur criait: "A poil! A poil! A poil!"

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    Les pleureuses sanglotaient pour de bon. Bravo!

    Le curé n’avait pas un goupillon factice
    Un de ces goupillons en forme de phallus
    Et quand il y alla de ses de profondis
    L’enfant de chœur répliqua pas morpionibus

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    Le curé venait pas de Camaret. Bravo!

    On descendit la bière et je fus bien déçu
    La blague maintenant frisait le mauvais goût
    Car le mort se laissa jeter la terr’ dessus
    Sans lever le couvercle en s’écriant "Coucou!"

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    Le cercueil n’était pas à double fond. Bravo!

    Quand tout fut consommé, je leur ai dit : "Messieurs
    Allons faire à présent la tournée des boxons!"
    Mais ils m’ont regardé avec de pauvres yeux
    Puis ils m’ont embrassé d’une étrange façon

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    Leur compassion semblait venir du cœur. Bravo!

    Quand je suis ressorti de ce champ de navets
    L’ombre de l’ici-gît pas à pas me suivait
    Une petite croix de trois fois rien du tout
    Faisant, à elle seul’, de l’ombre un peu partout

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    Les revenants s’en mêlaient à leur tour. Bravo!

    J’ai compris ma méprise un petit peu plus tard
    Quand, allumant ma pipe avec le faire-part
    J’m’aperçus que mon nom, comm’ celui d’un bourgeois
    Occupait sur la liste une place de choix

    Les quat’z’arts avaient fait les choses comme il faut
    J’étais le plus proch’ parent du défunt. Bravo!

    Adieu! les faux tibias, les crânes de carton
    Plus de marche funèbre au son des mirlitons
    Au grand bal des quat’z’arts nous n’irons plus danser
    Les vrais enterrements viennent de commencer

    Nous n’irons plus danser au grand bal des quat’z’arts
    Viens, pépère, on va se ranger des corbillards


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  •                                           Georges Brassens

    Voici la ronde
    des jurons
    Qui chantaient clair, qui dansaient rond,
    Quand les Gaulois
    De bon aloi
    Du franc-parler suivaient la loi,
    Jurant par-là,
    Jurant par-ci,
    Jurant à langue raccourci’,
    Comme des grains de chapelet
    Les joyeux jurons défilaient :
     
    [Refrain :]
    Tous les morbleus, tous les ventrebleus,
    Les sacrebleus et les cornegidouilles,
    Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
    Et les palsambleus,
    Tous les cristis, les ventres saint-gris,
    Les par ma barbe et les noms d'une pipe,
    Ainsi, pardi, que les sapristis
    Et les sacristis,
    Sans oublier les jarnicotons,
    Les scrogneugneus et les bigres et les bougres,
    Les saperlottes, les cré nom de nom,
    Les peste, et pouah, diantre, fichtre et foutre,
    Tous les Bon Dieu,
    Tous les vertudieux,
    Tonnerre de Brest et saperlipopette,
    Ainsi, pardieu, que les jarnidieux
    Et les pasquedieux.
     
    Quelle pitié !
    Les charretiers
    Ont un langage châtié !
    Les harengères
    Et les mégères
    Ne parlent plus à la légère !
    Le vieux catéchisme poissard
    N'a guère plus cours chez les hussards...
    Ils ont vécu, de profundis,
    Les joyeux jurons de jadis.

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