•                                     Marie-Josée Neuville

    Parmi la foule automatique
    Dans le métro il me tenait
    D'affreux propos pornographiques
    Auxquels rien je ne comprenais
    En expertise digitale
    Une main chercheuse et discrète
    Sur ma colonne vertébrale
    Tapotait une musiquette
     
    Je savais qu'en cette occurrence
    Le mieux était de ne rien dire
    Ma mère ayant eu la prudence
    En son temps de m'en avertir
     
    Un souffle puissant d'asthmatique
    Et malodorant par surcroît
    M'obligeait à une gymnastique
    Pour m'éloigner du maladroit
    À me voir frétiller de la sorte
    Une dame en courroux s'écria
    "Pour la bagatelle de la porte
    Elles sont championnes à cet âge-là"
     
    Je savais qu'en cette occurrence
    Le mieux était de ne rien dire
    Ma mère ayant eu la prudence
    En son temps de m'en avertir
     
    En me retournant sans douceur
    Pour insulter le téméraire
    Je m'aperçus avec stupeur
    Qu'il était presque octogénaire
    C'était un barbu abondant
    Et le visage débonnaire
    Qu'on voit sur les billets d' cinq cents
    Lui ressemblait comme un vieux frère
     
    Je compris qu'en cette occurrence
    Le mieux était de ne rien dire
    Ma mère ayant eu la prudence
    En son temps de m'en avertir
     
    Mais au diable les convenances
    Que m'enseignait ma maman
    Peut-être qu'en cette circonstance
    Elle en aurait fait tout autant
    J'apostrophai le vieux butor
    Avant de franchir la portière
    "Souvenez-vous d'Hugo Victor
    Relisez l'art d'être grand-père"

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  •                    Pierre Bachelet 

    Partir un beau matin
    Ni voleur, ni bandit
    Certain d'être certain
    Epris d'avoir compris
     
    D'hôtels de campagne
    En duvet canicule
    Atteindre enfin l'Espagne
    Entrer en péninsule
     
    Marseille Quel joli nom pour un garçon
    Séville, Quel beau prénom pour une fille
    Marseille Séville
     
    En bouffées étouffantes
    L'éventail l'évente
    Elle décroise ses jambes
    Hâlées par la descente
     
    Aux ruelles ombragées
    Aux reflux maritimes
    Les muses des musées
    Miro Picassisime
     
    Marseille Quel joli nom pour un garçon
    Séville, Quel beau prénom pour une fille
    Marseille Séville
     
    D'hôtels de campagne
    En duvet canicule
    Atteindre enfin l'Espagne
    Entrer en péninsule
     
    Partir un beau matin
    Ni voleur, ni bandit
    Certain d'être certain
    Epris d'avoir compris
     
    Vu d'un môle à la Maure
    Perdue dans le brouillard
    L'Europe s'accroche encore
    Au mirage Gibraltar
     
    Marseille Quel joli nom pour un garçon
    Séville, Quel beau prénom pour une fille
    Marseille Séville
     
    Vu d'un môle à la Maure
    Perdue dans le brouillard
    L'Europe s'accroche encore
    Au mirage Gibraltar
     
    Marseille Quel joli nom pour un garçon
    Séville, Quel beau prénom pour une fille
    Marseille Séville
     
    Marseille Séville

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  •                Léo Ferré

    Bipède volupteur de lyre
    époux châtré de Polymnie
    Vérolé de lune à confire
    Grand-duc bouillon des librairies
    Maroufle à pendre à l'hexamètre
    Voyou décliné chez les grecs
    Albatros à chaîne et à guêtres
    Cigale qui claque du bec

    Poète, vos papiers !

    J'ai bu du Waterman et j'ai bouffé Littré
    Et je repousse du goulot de la syntaxe
    A faire se pâmer les précieux à l'arrêt
    La phrase m'a poussé au ventre comme un axe

    J'ai fait un bail de trois six neuf aux adjectifs
    Qui viennent se dorer le mou à ma lanterne
    Et j'ai joué au casino les subjonctifs
    La chemise à Claudel et les cons dits « modernes »

    Syndiqué de la solitude
    Museau qui dévore que couic
    Sédentaire des longitudes
    Phosphaté des dieux chair à flic
    Colis en souffrance à la veine
    Remords de la Légion d'honneur
    Tumeur de la fonction urbaine
    Don Quichotte du crève-coeur

    Poète, vos papiers !

    Le dictionnaire et le porto à découvert
    Je débourre des mots à longueur de pelure
    J'ai des idées au frais de côté pour l'hiver
    A rimer le bifteck avec les engelures

    Cependant que Tzara enfourche le bidet
    A l'auberge dada la crotte est littéraire
    Le vers est libre enfin et la rime en congé
    On va pouvoir poétiser le prolétaire

    Spécialiste de la mistoufle
    émigrant qui pisse aux visas
    Aventurier de la pantoufle
    Sous la table du Nirvana
    Meurt-de-faim qui plane à la Une
    écrivain public des croquants
    Anonyme qui s'entribune
    à la barbe des continents

    Poète, vos papiers !

    Littérature obscène inventée à la nuit
    Onanisme torché au papier de Hollande
    Il y'a partouze à l'hémistiche mes amis
    Et que m'importe alors Jean Genêt que tu bandes

    La poétique libérée c'est du bidon
    Poète prends ton vers et fous-lui une trempe
    Mets-lui les fers au pieds et la rime au balcon
    Et ta Muse sera sapée comme une vamp

    Citoyen qui sent de la tête
    Papa gâteau de l'alphabet
    Maquereau de la clarinette
    Graine qui pousse des gibets
    Châssis rouillé sous les démences
    Corridor pourri de l'ennui
    Hygiéniste de la romance
    Rédempteur falot des lundis

    Poète, vos papiers !

    Que l'image soit rogue et l'épithète au poil
    La césure sournoise certes mais correcte
    Tu peux vêtir ta Muse ou la laisser à poil
    L'important est ce que ton ventre lui injecte

    Ses seins oblitérés par ton verbe arlequin
    Gonfleront goulûment la voile aux devantures
    Solidement gainée ta lyrique putain
    Tu pourras la sortir dans la Littérature

    Ventre affamé qui tend l'oreille
    Maraudeur aux bras déployés
    Pollen au rabais pour abeille
    Tête de mort rasée de frais
    Rampant de service aux étoiles
    Pouacre qui fait dans le quatrain
    Masturbé qui vide sa moelle
    A la devanture du coin

    Poète, ... circulez !


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  •                        Daniel Balavoine

    Je m'présente, je m'appelle Henri
    J'voudrais bien réusiir ma vie, être aimé
    Etre beau gagner de l'argent
    Puis surtout être intelligent
    Mais pour tout ça il faudrait que j'bosse à plein temps

    J'suis chanteur, je chante pour mes copains
    J'veux faire des tubes et que ça tourne bien, tourne bien
    J'veux écrire une chanson dans le vent
    Un air gai, chic et entraînant
    Pour faire danser dans les soirées de Monsieur Durand    

    Et partout dans la rue
    J'veux qu'on parle de moi
    Que les filles soient nues
    Qu'elles se jettent sur moi
    Qu'elles m'admirent, qu'elles me tuent
    Qu'elles s'arrachent ma vertu

    Pour les anciennes de l'école
    Devenir une idole
    J'veux que toutes les nuits
    Essoufflées dans leurs lits
    Elles trompent leurs maris
    Dans leurs rêves maudits

    Puis après je f'rai des galas
    Mon public se prosternera devant moi
    Des concerts de cent mille personnes
    Où même le tout-Paris s'étonne
    Et se lève pour prolonger le combat

    Et partout dans la rue
    J'veux qu'on parle de moi
    Que les filles soient nues
    Qu'elles se jettent sur moi
    Qu'elles m'admirent, qu'elles me tuent
    Qu'elles s'arrachent ma vertu

    Puis quand j'en aurai assez
    De rester leur idole
    Je remont'rai sur scène
    Comme dans les années folles
    Je f'rai pleurer mes yeux
    Je ferai mes adieux

    Et puis l'année d'après
    Je recommencerai
    Et puis l'année d'après
    Je recommencerai
    Je me prostituerai
    Pour la postérité

    Les nouvelles de l'école
    Diront que j'suis pédé
    Que mes yeux puent l'alcool
    Que j'fais bien d'arrêter
    Brûleront mon auréole
    Saliront mon passé

    Alors je serai vieux
    Et je pourrai crever
    Je me cherch'rai un Dieu
    Pour tout me pardonner
    J'veux mourir malheureux
    Pour ne rien regretter
    J'veux mourir malheureux


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  •                                           Jacques Bertin

    C'est le cœur qui a mal, je crois, Mario, c'est le cœur
    simplement
    Mais d'une si infiniment infime douleur qu'un violon
    Ne saurait, même au plus ténu de son registre, l'apaiser
    Mario, à peine comme au loin les jours de pluie une fumée

    Comme l'invisible dessin d'un vol d'oiseau dans l'air
    limpide
    Une douleur. Mais tout est calme. Aucun de ces élancements
    Du sang. Et point de ces amas au ciel menaçants de nuages
    Non plus le désespoir violent comme un saccage. C'est le
    cœur

    Simplement épinglé, Mario, le cœur cloué comme une image
    Sur une vie aux couleurs d'eau, sur un décor aux couleurs
    mortes
    Ou comme une affiche, Mario, séchée sur une porte
    Et dont un lambeau bouge à l'air léger

    Le cœur qui dit d'une manière si timide qu'il ne peut
    Aller plus loin dans cette vie destinée pourtant au grand
    large
    Or l'univers inflexible grince sous la corne et se charge
    De nous, tout comme l'œil implacable des gens

    Suis-je si vieux? Moi qui parlais au temps qu'il fait comme
    un prophète
    À la religion bonne et gaie, toute bataille m'était fête
    Je suis comme si un huissier, portant bien haut le
    candélabre
    En plein jour, dans mon propre cœur, parmi les dunes
    m'emmenait

    Où je m'enfonce à chaque pas, perdant le souffle sous le
    masque
    À moins que ce ne soit mon cœur, mon vieux Mario, là,
    cette barque
    Enfouie dans la marée de sable et par une herbe douce aux
    pieds
    Recouverte et tenue par la ligne sans vie des peupliers


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  •                              Claude Nougaro

    Ce qu'il faut dire de fadaises
    Pour voir enfin du fond de son lit
    Un soutien-gorge sur une chaise
    Une paire de bas sur un tapis
    Nous les coureurs impénitents
    Nous les donjujus, nous les don Juan
     
    Mais chaque fois que l'on renifle
    La piste fraîche du jupon
    Pour un baiser, pour une gifle
    Sans hésiter nous repartons
    La main frôleuse et l'œil luisant
    Nous les donjujus, nous les don Juan
     
    Le seul problème qu'on se pose
    C'est de séparer en deux portions
    Cinquante-cinq kilos de chair rose
    De cinquante-cinq grammes de nylon
    C'est pas toujours un jeu d'enfant
    Pour un donjuju, pour un don Juan
     
    Le mannequin, la manucure
    La dactylo, l'hôtesse de l'air
    Tout est bon pour notre pâture
    Que le fruit soit mûr ou qu'il soit vert
    Faut qu'on y croque à belles dents
    Nous les donjujus, nous les don Juan
     
    Mais il arrive que le cœur s'accroche
    Aux épines d'une jolie fleur
    Ou qu'elle nous mette dans sa poche
    Sous son mouchoir trempé de pleurs
    C'est le danger le plus fréquent
    Pour un donjuju, pour un don Juan
     
    Nous les coureurs du tour de taille
    Nous les gros croqueurs de souris
    Il faut alors livrer bataille
    Ou bien marcher vers la mairie
    Au bras d'une belle-maman
    Pauvres donjujus, pauvres don Juan
     
    Nous tamiserons les lumières
    Même quand la mort viendra sonner
    Et nous dirons notre prière
    Sour un chapelet de grains de beauté
    Et attendant le jugement
    Nous les donjujus, nous les don Juan

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  • Paroles de la chanson Lucille par Michel Jonasz

     

    J'm'en rappelle y avait dans ma ville 
    Une fille qui s'appelait Lucille. 
    Un vieux rock portait son nom 
    Mais son coeur était un bloc de béton. 
    J'lui écrivais des lettres dix par jour : 
    "Je t'aime et je t'aimerai toujours.". 
    La seule réponse à mes illusions                                                                                                 Fut "Non, non, non."

     

    Alors dans le même sac j'avais mis 
    "Amour" avec "famille patrie". 
    Je jouais les durs les méchants qui traînent 
    Dans le quartier d'la mauvaise graine. 
    Quelquefois j'allais chanter pour du flouze 
    Cette fameuse Lucille ce fameux blues. 
    Venait-elle me voir au Mimi-Pinson ? 
    Non, non, non. 

    Lucille, Lucille, Lucille. 
    Lucille, Lucille, Lucille. 

     

    On m'a mis sur un mauvais coup 
    Et ça m'a rapporté beaucoup. 
    J'ai tout perdu au pok' sur une paire 
    Et gagné dix ans d'placard belle affaire. 
    J'lui écrivais des lettres dix par jour : 
    "Je t'aime et je t'aimerai toujours.". 
    Venait-elle me voir à la prison ? 
    Non, non, non. 

    Lucille, Lucille, Lucille. 
    Lucille, Lucille, Lucille.


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  •                 Jacques Brel

    Nous étions deux amis et Fanette m'aimait
    La plage était déserte et dormait sous juillet
    Si elles s'en souviennent les vagues vous diront
    Combien pour la Fanette j'ai chanté de chansons

    Faut dire
    Faut dire qu'elle était belle
    Comme une perle d'eau
    Faut dire qu'elle était belle
    Et je ne suis pas beau

    Faut dire
    Faut dire qu'elle était brune
    Tant la dune était blonde
    Et tenant l'autre et l'une
    Moi je tenais le monde

    Faut dire
    Faut dire que j'étais fou
    De croire à tout cela
    Je le croyais à nous
    Je la croyais à moi

    Faut dire
    Qu'on ne nous apprend pas
    A se méfier de tout

    Nous étions deux amis et Fanette m'aimait
    La plage était déserte et mentait sous juillet
    Si elles s'en souviennent les vagues vous diront
    Comment pour la Fanette s'arrêta la chanson

    Faut dire
    Faut dire qu'en sortant
    D'une vague mourante
    Je les vis s'en allant
    Comme amant et amante

    Faut dire
    Faut dire qu'ils ont ri
    Quand ils m'ont vu pleurer
    Faut dire qu'ils ont chanté
    Quand je les ai maudits

    Faut dire
    Que c'est bien ce jour-là
    Qu'ils ont nagé si loin
    Qu'ils ont nagé si bien
    Qu'on ne les revit pas

    Faut dire
    Qu'on ne nous apprend pas
    Mais parlons d'autre chose

    Nous étions deux amis et Fanette l'aimait
    La plage est déserte et pleure sous juillet
    Et le soir quelquefois, quand les vagues s'arrêtent
    J'entends comme une voix
    J'entends c'est la Fanette


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  •                          Jacques Brel

    Les timides
    Ça se tortille
    Ça s'entortille
    Ça sautille
    Ça se met en vrille
    Ça se recroqueville
    Ça rêve d'être un lapin
    Peu importe
    D'où ils sortent
    Mes feuilles mortes
    Quand le vent les porte
    Devant nos portes
    On dirait qu'ils portent
    Une valise dans chaque main

    Les timides
    Suivent l'ombre
    L'ombre sombre de leur ombre
    Seule la pénombre
    Sait le nombre
    De leurs pudeurs de Levantin
    Ils se plissent
    Ils palissent
    Ils jaunissent
    Ils rosisent
    Ils rougissent
    S'écrevissent
    Une valise dans chaque main

    Mais les timides
    Un soir d'audace
    Devant leur glace
    Rêvant d'espace
    Mettent leur cuirasse
    Et alors place
    Allons Paris
    Tiens-toi bien
    Et vive la gare
    Saint-Lazare
    Mais on s'égare
    On sépare
    On s'désempare
    Et on repart
    Une valise dans chaque main

    Les timides
    Quand ils chavirent
    Pour une Elvire
    Ont des soupirs
    Ont des désirs
    Qu'ils désirent dire
    Mais ils n'osent pas bien
    Et leur maîtresse
    Plus prêtresse
    En ivresse
    Qu'en tendresse
    Un soir les laissent
    Du bout des fesses
    Une valise dans chaque main

    Les timides
    Alors vieillissent
    Alors finissent
    Se rapetissent
    Quand ils glissent
    Dans les abysses
    Je veux dire
    Quand ils meurent
    N'osent rien dire
    Rien maudire
    N'osent frémir
    N'osent sourire
    Juste un soupir
    Et ils meurent
    Une valise sur le cœur


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  •          Michel Sardou

    Monsieur Ménard a 50 ans
    Agrégé de sciences naturelles
    Ni beau ni laid ni gros ni grand
    C'est un célibataire modèle
    Monsieur Ménard sort du lycée
    Une serviette en cuir à la main
    Il s'est fait un peu chahuter
    Ils sont pas marrants les gamins

    Entre Ménard et ses élèves
    C'est entre la haine et l'amour
    Entre le cauchemar et le rêve
    Entre le fer et le velours
    Monsieur Ménard a 50 ans
    Il se sent pourtant un vieil homme
    C'est vrai que depuis tout ce temps
    Il n'a rien appris à personne

    C'était un jour en terminale
    Pour une histoire assez banale
    J'ai cru qu'il allait me frapper
    Alors j'ai cogné le premier

    J'ai donné un grand coup de tête
    Pour frimer devant les copains
    Je lui ai cassé les lunettes
    Ils sont pas marrants les gamins

    Monsieur Ménard est maintenant
    Un professeur à la retraite
    Il doit vieillir paisiblement
    Et il m'a oublié peut-être
    Mais moi je ne l'oublierai jamais
    Ses bons yeux tristes dans les miens
    Ses bons yeux tristes qui disaient
    Ils sont pas marrants les gamins
    Ils sont pas marrants les gamins


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