•                                          Léo Ferré

    À mes oiseaux piaillant debout
    Chinés sous les becs de la nuit
    Avec leur crêpe de coutil
    Et leur fourreau fleuri de trous
    À mes compaings du pain rassis
    À mes frangins de l'entre bise
    À ceux qui gerçaient leur chemise
    Au givre des pernods-minuit
    A l'Araignée la toile au vent
    A Biftec baron du homard
    Et sa technique du caviar
    Qui ressemblait à du hareng
    A Bec d'Azur du pif comptant
    Qui créchait côté de Sancerre
    Sur les MIDNIGHT à moitié verre
    Chez un bistre de ses clients
    Aux spécialistes d'la scoumoune
    Qui se sapaient de courants d'air
    Et qui prenaient pour un steamer
    La compagnie Blondit and Clowns
    Aux pannes qui la langue au pas
    En plein hiver mangeaient des nèfles
    A ceux pour qui deux sous de trèfle
    Ça valait une Craven A
    A ceux-là je laisse la fleur
    De mon désespoir en allé
    Maintenant que je suis paré
    Et que je vais chez le coiffeur
    Pauvre mec mon pauvre Pierrot
    Vois la lune qui te cafarde
    Cette Américaine moucharde
    Qu'ils ont vidée de ton pipeau
    Ils t'ont pelé comme un mouton
    Avec un ciseau à surtaxe
    Progressivement contumax
    Tu bêle à tout va la chanson
    Et tu n'achètes plus que du vent
    Encore que la nuit venue
    Y a ta cavale dans la rue
    Qui hennnit en te klaxonnant
    Le Droit la Loi la Foi et Toi
    Et une éponge de vin sur
    Ton Beaujolais qui fait le mur
    Et ta Pépée qui fait le toit
    Et si vraiment Dieu existait
    Comme le disait Bakounine
    Ce Camarade Vitamine
    Il faudrait s'en débarrasser
    Tu traînes ton croco ridé
    Cinquante berges dans les flancs
    Et tes chiens qui mordent dedans
    Le pot-au-rif de l'amitié
    Un poète ça sent des pieds
    On lave pas la poésie
    Ça se défenestre et ça crie
    Aux gens perdus des mots FERIES
    Des mots oui des mots comme le Nouveau Monde
    Des mots venus de l'autre côté clé la rive
    Des mots tranquilles comme mon chien qui dort
    Des mots chargés des lèvres constellées dans le
    dictionnaire des
    Constellations de mots
    Et c'est le Bonnet Noir que nous mettrons sur le vocabulaire
    Nous ferons un séminaire, particulier avec des grammairiens
    Particuliers aussi
    Et chargés de mettre des perruques aux vieilles pouffiasses
    Littéromanes
    IL IMPORTE QUE LE MOT AMOUR soit rempli de mystère et non
    De tabou, de péché, de vertu, de carnaval romain des draps
    cousus
    Dans le salace
    Et dans l'objet de la policière voyance ou voyeurie
    Nous mettrons de longs cheveux aux prêtres de la rue pour
    leur
    Apprendre à s'appeler dès lors monsieur l'abbé Rita
    Hayworth
    Monsieur l'abbé BB fricoti fricota et nous ferons des
    prières inversées
    Et nous lancerons à la tête des gens des mots
    SANS CULOTTE
    SANS BANDE A CUL
    Sans rien qui puisse jamais remettre en question
    La vieille la très vieille et très ancienne et démodée
    querelle du
    Qu'en diront-ils
    Et du je fais quand même mes cochoncetés en toute
    quiétude sous
    Prétexte qu'on m'a béni
    Que j'ai signé chez monsieur le maire de mes deux mairies
    ALORS QUE CES ENFANTS SONT TOUT SEULS DANS LES
    RUES
    ET S'INVENTENT LA VRAIE GALAXIE DE L'AMOUR
    INSTANTANE
    Alors que ces enfants dans la rue s'aiment et s'aimeront
    Alors que cela est indéniable
    Alors que cela est de toute évidence et de toute éternité
    JE PARLE POUR DANS DIX SIECLES et je prends date
    On peut me mettre en cabane
    On peut me rire au nez ça dépend de quel rire
    JE PROVOQUE-À L'AMOUR ET À L'INSURRECTION
    YES! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR
    Je vous l'ai dit
    Des armes et des mots c'est pareil
    Ça tue pareil
    II faut tuer l'intelligence des mots anciens
    Avec des mots tout relatifs, courbes, comme tu voudras
    IL FAUT METTRE EUCLIDE DANS UNE POUBELLE
    Mettez-vous le bien dans la courbure
    C'est râpé vos trucs et manigances
    Vos démocraties où il n'est pas question de monter à
    l'hôtel avec
    Une fille
    Si elle ne vous est pas collée par la jurisprudence
    C'est râpé Messieurs de la Romance
    Nous, nous sommes pour un langage auquel vous n'entravez que
    Couic
    NOUS SOMMES DES CHIENS et les chiens, quand ils sentent la
    Compagnie,
    Ils se dérangent et on leur fout la paix
    Nous voulons la Paix des Chiens
    Nous sommes des chiens de " bonne volonté "
    El nous ne sommes pas contre le fait qu'on laisse venir à
    nous
    Certaines chiennes
    Puisqu'elles sont faites pour ça et pour nous
    Nous aboyons avec des armes dans la gueule
    Des armes blanches et noires comme des mots noirs et blancs
    NOIRS COMME LA TERREUR QUE VOUS ASSUMEREZ
    BLANCS COMME LA VIRGINITÉ QUE NOUS ASSUMONS
    NOUS SOMMES DES CHIENS et les chiens, quand ils sentent la
    Compagnie,
    II se dérangent, ils se décolliérisent
    Et posent leur os comme on pose sa cigarette quand on a
    quelque
    Chose d'urgent à faire
    Même et de préférence si l'urgence contient l'idée de
    vous foutre
    Sur la margoulette
    Je n'écris pas comme de Gaulle ou comme Perse l
    JE CAUSE et je GUEULE comme un chien
    JE SUIS UN CHIEN

     


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  •                             Georges Brassens

    Au bois d'Clamart y'a des petit's fleurs,
    Y'a des petit's fleurs
    Y' a des copains au, au bois d' mon cœur,
    Au, au bois d' mon cœur.

    Au fond de d' ma cour j' suis renommé, (bis)
    J'suis renommé
    Pour avoir le cœur mal famé,
    Le cœur mal famé.

    Au bois d' Vincenne' y' a des petit's fleurs,
    Y' a des petit's fleurs,
    Y' a des copains au, au bois d' mon cœur,
    Au, au bois d' mon cœur.

    Quand y' a plus d' vin dans mon tonneau, (bis)
    Dans mon tonneau,
    Ils n'ont pas peur de boir' mon eau,
    De boire mon eau.

    Au bois d' Meudon y' a des petit's fleurs,
    Y' a des petit's fleurs,
    Y' a des copains au, au bois d' mon cœur,
    Au, au bois d' mon cœur.

    Ils m'accompagnent à la mairie, (bis)
    A la mairie,
    Chaque fois que je me marie,
    Que je me marie.

    Au bois d' Saint-Cloud y' a des petit's fleurs,
    Y' a des petit's fleurs,
    Y' a des copains au, au bois d' mon cœur,
    Au, au bois d' mon cœur.

    Chaqu' fois qu' je meurs fidèlement, (bis)
    Fidèlement,
    Ils suivent mon enterrement,
    Mon enterrement.

    ... des petites fleurs... (bis)
    Au, au bois d' mon cœur... (bis)


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  •                                         Hubert Félix Thiéfaine

    alligators 427
    aux ailes de cachemire-safran
    je grille ma dernière cigarette
    je vous attends
    sur cette autoroute hystérique
    qui nous conduit chez les mutants
    j’ai troqué mon cœur contre une trique
    je vous attends
    je sais que vous avez la beauté destructive
    & le sourire vainqueur jusqu’au dernier soupir
    je sais que vos mâchoires distillent l’agonie
    moi je vous dis bravo & vive la mort !

    alligators 427
    à la queue de zinc et de sang
    je m’tape une petite reniflette
    je vous attends
    dans cet étrange carnaval
    on a vendu l’homo sapiens
    pour racheter du néandertal
    je vous attends
    & les manufactures ont beau se recycler
    y’aura jamais assez de morphine pour tout le monde
    surtout qu’à ce qu’on dit vous aimez faire durer
    moi je vous dis bravo & vive la mort !

    alligators 427
    aux longs regards phosphorescents
    je mouche mon nez, remonte mes chaussettes
    je vous attends
    & je bloque mes lendemains
    je sais que les mouches s’apprêtent
    autour des tables du festin
    je vous attends
    & j’attends que se dressent vos prochains charniers
    j’ai raté l’autre guerre pour la photographie
    j’espère que vos macchabes seront bien faisandés
    moi je vous dis bravo & vive la mort !

    alligators 427
    aux crocs venimeux & gluants
    je donne un coup de brosse à mon squelette
    je vous attends
    l’idiot du village fait la queue
    & tend sa carte d’adhérent
    pour prendre place dans le grand feu
    je vous attends
    j’entends siffler le vent au-dessus des calvaires
    & je vois les vampires sortir de leurs cercueils
    pour venir saluer les anges nucléaires
    moi je vous dis bravo & vive la mort !

    alligators 427
    aux griffes d’or & de diamant
    je sais que la cigüe est prête
    je vous attends
    je sais que dans votre alchimie
    l’atome ça vaut des travellers-chèques
    & ça suffit comme alibi
    je vous attends
    à l’ombre de vos centrales je crache mon cancer
    je cherche un nouveau nom pour ma métamorphose
    je sais que mes enfants s’appelleront vers de terre
    moi je vous dis bravo et vive la mort !

    alligators 427
    au cerveau de jaspe & d’argent
    il est temps de sonner la fête
    je vous attends
    vous avez le goût du grand art
    & sur mon compteur électrique
    j’ai le portrait du prince-ringard
    je vous attends
    je sais que désormais vivre est un calembour
    la mort est devenue un état permanent
    le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours
    moi je vous dis bravo et vive la mort !


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  •                                       Henri Tachan

    J'ai ma carte, j'suis au parti des p'tits lapins,
    Depuis quarante ans leur drapeau c'est le mien:
    Carott'e rose sur fond d'luzerne,                                                                                      Ca fait pas fuire les badernes                                                                                      Qui me traquent, une carabine à la main,


    J'ai ma carte, j'suis au parti des p'tits lapins
    Qui finissent à la moutarde, au romarin,
    En civet, à la cass'role,
    Croyez pas qu'ça me console
    De ne pas vieillir dans mon champ de thym.

    Ma vie,
    Qui l'a choisie?
    J'ai les mains vides
    Ils ont l'fusil

    J'ai ma carte, j'suis au parti des p'tits enfants
    Qui ne veulent pas plus tard devenir grands,
    Qui n'veulent pas jouer au facteur;
    Qui n'veulent pas jouer au docteur;
    Ni jouer au papa et à la maman,

    J'ai ma carte, j'suis au parti des p'tits enfants
    Qui s'ennuient beaucoup au milieu des parents
    Mais qui s'envolent su l'aile
    Bien tiède d'une hirondelle
    Qui pour eux quelques fois fait le printemps.

    Ma vie,
    Qui l'a choisie?
    J'ai les mains vides
    Ils ont l'fusil

    J'ai ma carte, j'suis au parti des pauvres vieux
    Entassés dans ces fourrières de banlieue,
    A l'hospice, à l'hôpital,
    Mourir c'est le moindre mal
    Quand on est loin de chez soi, seul et vieux,

    J'ai ma carte, j'suis au parti d'pépé, mémé
    Qui n'ont plus personne à voir ni à aimer,
    Mê'e pas un bouquet d'violettes,
    Un chat d'gouttière, un'e voilette,
    Que leurs souvenirs déjà enbaumés.

    Ma vie,
    Qui l'a choisie?
    J'ai les mains vides
    Ils ont l'fusil

    J'ai ma carte, j'suis au parti des petit'es fleurs,
    Au parti de tout ce qui souffre et qui meurt,
    Loin de leurs jeux olympiques
    U.R.S.S. - Amérique,
    Loin de leurs cliquetis d'armes vainqueurs,

    J'ai ma carte, et je persiste et je signe,
    Je suis incurable, je reste dans ma ligne,
    Et je garde dans l'oreille,
    Juste avant le grand sommeil,
    Un violoncelle qui pleur'e la Mort du cigne.

    Ma vie,
    Je la choisis,
    J'gard'e les mains vides,
    Eux, le fusil!

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  •                                                      Georges Brassens

    Il avait nom corne d'Aurochs, au gué, au gué
    Tout l'mond' peut pas s'app'ler Durand, au gué, au gué                                               En le regardant avec un œil de poète

    On aurait pu croire à son frontal de prophète
    Qu'il avait les grand's eaux de Versailles dans la tête
    Corne d'Aurochs

    Mais que le bon dieu lui pardonne, au gué, au gué
    C'étaient celles du robinet, au gué, au gué

    On aurait pu croire en l'voyant penché sur l'onde
    Qu'il se plongeait dans des méditations profondes
    Sur l'aspect fugitif des choses de se monde
    Corne d'Aurochs

    C'étaient hélas pour s'assurer, au gué, au gué
    Qu' le vent n'l'avait pas décoiffé, au gué, au gué

    Il proclamait à son de trompe à tous les carrefours
    "Il n'y a qu'les imbéciles qui sachent bien faire l'amour
    La virtuosité c'est une affaire de balourds!"
    Corne d'Aurochs

    Il potassait à la chandelle, au gué, au gué
    Des traités de maintien sexuel, au gué, au gué
    Et sur les femm's nues des musées, au gué, au gué
    Faisait l'brouillon de ses baisers, au gué, au gué

    Et bientôt petit à petit, au gué, au gué
    On a tout su, tout su de lui, au gué, au gué

    On a su qu'il était enfant de la Patrie
    Qu'il était incapable de risquer sa vie
    Pour cueillir un myosotis à une fille
    Corne d'Aurochs

    Qu'il avait un p'tit cousin, au gué, au gué
    Haut placé chez les argousins, au gué, au gué
    Et que les jours de pénurie, au gué, au gué
    Il prenait ses repas chez lui, au gué, au gué

    C'est même en revenant d'chez cet antipathique
    Qu'il tomba victime d'une indigestion critique
    Et refusa l'secours de la thérapeutique
    Corne d'Aurochs

    Parce que c'était un All'mand, au gué, au gué
    Qu'on devait le médicament, au gué, au gué

    Il rendit comme il put son âme machinale
    Et sa vie n'ayant pas été originale
    L'Etat lui fit des funérailles nationales
    Corne d'Aurochs

    Alors sa veuve en gémissant, au gué, au gué
    Coucha avec son remplaçant, au gué, au gué


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