•                                           Georges Brassens

    Gloire à qui freine à mort, de peur d'ecrabouiller
    Le hérisson perdu, le crapaud fourvoyé
    Et gloire à Don Juan, d'avoir un jour souri
    À celle à qui les autres n'attachaient aucun prix
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut
     
    au flic qui barrait le passage aux autos
    Pour laisser traverser les chats de Léautaud
    Et gloire à Don Juan d'avoir pris rendez-vous
    Avec la délaissée, que l'amour désavoue
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut
     
    Gloire au premier venu qui passe et qui se tait
    Quand la canaille crie "Haro sur le baudet"
    Et gloire à Don Juan pour ses galants discours
    À celle à qui les autres faisaient jamais la cour
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut
     
    Et gloire à ce curé sauvant son ennemi
    Lors du massacre de la Saint-Barthélémy
    Et gloire à Don Juan qui couvrit de baisers
    La fille que les autres refusaient d'embrasser
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut
     
    Et gloire à ce soldat qui jeta son fusil
    Plutôt que d'achever l'otage à sa merci
    Et gloire à Don Juan d'avoir osé trousser
    Celle dont le jupon restait toujours baissé
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut
     
    Gloire à la bonne sœur qui, par temps pas très chaud
    Dégela dans sa main le pénis du manchot
    Et gloire à Don Juan qui fit reluire un soir
    Ce cul déshérité ne sachant que s'asseoir
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut
     
    Gloire à qui n'ayant pas d'idéal sacro-saint
    Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins
    Et gloire à Don Juan qui rendit femme celle
    Qui, sans lui, quelle horreur, serait morte pucelle
    Cette fille est trop vilaine, il me la faut

     


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  •         Jacques Brel

    Je suis un vieux troubadour
    Qui a conté beaucoup d'histoires
    Histoires gaies, histoires d'amour
    Et sans jamais beaucoup y croire
     
    J'ai chanté comme un grand livre
    Dont chaque page était un rire
    J'ai chanté la joie de vivre
    En attendant celle de mourir
     
    J'ai chanté mes belles idées
    Mais lorsque je dus les dire
    Ce qui en chant était léger
    En paroles vous fit rire
     
    J'ai chanté l'idéal aux enfants
    Pour leur donner un peu d'espoir
    En me disant qu'en le chantant
    Je pourrais bien un jour y croire
     
    J'ai chanté un chant d'amitié
    Qui était fait de mon coeur
    Nous le criâmes souvent en choeur
    Mais j'étais seul à le chanter
     
    J'aurais voulu lever le monde
    Rien que pour lui, par bonté
    J'aurais voulu lever le monde
    Mais c'est le monde qui m'a couché
     
    Je suis un vieux troubadour
    Qui chante encore pour chanter
    Des histoires, histoires d'amour
    Pour faire croire qu'il est gai
     
    Un troubadour désenchanté
    Qui par une habitude vaine
    Chante encore l'amitié
    Pour ne pas chanter la haine

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  •                                                         Leny Escudero

     
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  •                                              Brassens Georges

    Si j´ai bonne mémoire, elle allait dégrafée;
    On comptait plus les yeux qu´elle avait pu crever.
    Elle faisait du tort aux statues de l´antique;
    Elle était si prodigue à montrer ses appas
    Que la visite au Louvre ne s´imposait pas.
    Avec elle le nu devenait art plastique.
    Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
    Rendre à son piédestal la Vénus de Milo.
    La belle dégrafée a changé d´esthétique,
    Un vent de honte a balayé le pont des Arts,
    Et les collets sont montés comme par hasard.
    "Les jeunes filles d´aujourd´hui sont impudiques."

    De la mode, naguère, elle ignorait le cours,
    Invariablement, elle s´habillait court.
    Elle aimait accuser le jeu de ses chevilles;
    Quand le vent s´en mêlait, c´était fête pour nous
    On avait un droit de regard sur ses genoux,
    Et l´on en abusait, je vous le certifie.
    Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
    Les jupes tout à coup sont tombées de bien haut.
    La belle retroussée est devenue Sophie;
    A peine maintenant si l´on voit ses talons,
    Quelle que soit la mode, elle s´habille long.
    "Elles en font vraiment trop voir, les jeunes filles."

    Et s´il avait fallu vêtir une poupée
    Du soupçon de chiffon dont elle était nippée,
    L´étoffe aurait paru tout juste suffisante;
    C´était rien, moins que rien, ça lui couvrait le corps
    D´une seconde peau qui la rendait encore
    Plus nue toute habillée et plus appétissante.
    Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
    Elle a de la tenue et flétrit le culot
    De ces beautés du diable, ces adolescentes,
    Qui, la robe collée sur leur peau de satin,
    Ont l´air de revenir du faubourg Saint-Martin.
    "Les jeunes filles d´aujourd´hui sont indécentes."

    Cela dit, sans vouloir lui laver le chignon,
    La bagatelle était son gros péché mignon.
    L´amour était toujours pendu à sa ceinture.
    Légère, elle a connu les mille et une nuits
    De noce et son ange gardien, pauvre de lui,
    Dut passer auprès d´elle une vie de tortures.
    Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
    Sous le pont des soupirs, il a coulé de l´eau.
    La belle enamourée a changé de posture,
    Maintenant qu´Adonis a déserté sa cour,
    Que l´amour la délaisse, elle laisse l´amour
    Aux jeunes filles d´aujourd´hui, ces créatures!


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  •                             Francis Cabrel

    Un paysage de terre cuite
    Un ciel qu'on dirait de Magritte
    La grange couverte de lierre
    Le lézard qui dort sur la pierre
    Le chat enroulé sur le seuil
    L'insecte caché sous les feuilles
    Le monde est dans ses couleurs pures
    Comme dans tes boites de peinture

    Venue d'au-delà des nuages
    Du fond du temps et des âges
    Il tombe une étrange lumière
    D'herbe, de vent, de poussière
    Sur nos deux fauteuils inutiles
    Ce cerf-volant pris sur les tuiles
    Les choses semblent être éternelles                                                                                Comme dans tes boites d'aquarelle

    Dans le bleu ciel entre les branches
    L'avion laisse une traînée blanche
    Comme un ruban, un long nuage
    Comme pour dire "Tout se partage"
    Au matin sur le lac immense
    Il suffit qu'une barque avance
    Et l'eau tremble à n'en plus finir
    Comme pour dire "Tout se déchire"

    Peut-être essaies-tu quelque part
    De peindre l'amour de mémoire
    De recomposer les couleurs
    D'automne mourant sur un coeur
    Si tu veux savoir où j'en suis
    Les choses ont peu bougées depuis
    Ce jour où tu as tourné le dos                                                                                           Saut peut-être l'ombre au tableau

    Dans le bleu ciel entre les branches
    L'avion laisse une traînée blanche
    Comme un ruban, un long nuage
    Comme pour dire "Tout se partage"
    Comme pour tes débuts à la gouache
    Sur la jolie toile un tache
    Toute dans le blanc diluée
    Comme pour dire "Tout se défait"

    Dans ta lumière favorite
    Celle qu'on dirait de Magritte
    La grange couverte de lierre
    Le lézard qui dort sur la pierre

     

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