•                Georges Brassens

    Voilà les feuilles sans sève
    qui tombent sur le gazon
    voilà le vent qui s'élève
    et gémit dans le vallon
    voilà l'errante hirondelle
    qui rase du bout de l'aile
    l'eau dormante des marais
    voilà l'enfant des chaumières
    qui glane sur les bruyères
    le bois tombé des forets
     
    C'est la saison où tout tombe
    aux coups redoublés des vents
    un vent qui vient de la tombe
    moissonne aussi les vivants
    ils tombent alors par mille
    comme la plume inutile
    que l'aigle abandonne aux airs
    lorsque des plumes nouvelles
    viennent réchauffer ses ailes
    à l'approche des hivers
     
    C'est alors que ma paupière
    vous vit palir et mourir
    tendres fruits qu'à la lumière
    dieu n'a pas laissé murir
    quoique jeune sur la terre
    je suis dejà solitaire
    parmi ceux de ma saison
    et quand je dis en moi-meme
    où sont ceux que ton c?ur aime?
    je regarde le gazon
    C'est un ami de l'enfance
    qu'aux jours sombres du malheur
    nous preta la providence
    pour appuyer notre c?ur
    il n'est plus : notre âme est veuve
     
    il nous suit dans notre épreuve
    et nous dit avec pitié
    Ami si ton âme est pleine
    de ta joie ou de ta peine
    qui portera la moitié?
    C'est une jeune fiancée
    qui, le front ceint du bandeau
    n'emporta qu'une pensée
    de sa jeunesse au tombeau
    Triste, hélas ! dans le ciel meme
    pour revoir celui qu'elle aime
    elle revient sur ses pas

    et lui dit : ma tombe est verte!
    sur cette terre déserte
    qu'attends-tu? je n'y suis pas!
    C'est l'ombre pâle d'un père
    qui mourut en nous nommant
    c'est une s?ur, c'est un frère
    qui nous devance un moment
    tous ceux enfin dont la vie
    un jour ou l'autre ravie,
    enporte une part de nous
    murmurent sous la pierre
    vous qui voyez la lumière
    de nous vous souvenez vous?
     
    Voilà les feuilles sans sève
    qui tombent sur le gazon
    voilà le vent qui s'élève
    et gémit dans le vallon
    voilà l'errante hirondelle
    qui rase du bout de l'aile
    l'eau dormante des marais
    voilà l'enfant des chaumières
    qui glane sur les bruyères
    le bois tombé des forets

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  •                   Georges Brassens 

    Tu t'en iras les pieds devant,
    Ainsi que tout ceux de ta race,
    Grand homme qu'un souffle terrasse.
    Comme le pauvre fou qui passe,
    Et sous la lune va rêvant,
    De beauté, de gloire éternelle,
    Du ciel cherché dans les prunelles,
    Au rythme pur des villanelles,
    Tu t'en iras les pieds devant.

    Tu t'en iras les pieds devant,
    Duchesse aux titres authentiques,
    Catin qui cherches les pratiques,
    Orpheline au navrant cantique.
    Vous aurez même appris du vent,
    Sous la neige, en la terre grise,
    Même blason, même chemise,
    Console toi fille soumise,
    Tu t'en iras les pieds devant.

    Tu t'en iras les pieds devant,
    Oh toi qui mens quand tu te signes,
    Maîtresse qui liras ces lignes,
    En buvant le vin de mes vignes,
    A la santé d'un autre amant,
    Brune ou blonde, être dont la grâce,
    Sourit comme un masque grimace,
    Voici la camarde qui passe.
    Tu t'en iras les pieds devant.

    Tu t'en iras les pieds devant,
    Grave docteur qui me dissèques,
    Prêtre qui chantes mes obsèques.
    Bourgeois, prince des hypothèques,
    Riche ou pauvre, ignorant, savant,
    Camarade au grand phalanstère,
    Vers la justice égalitaire,
    Nous aurons tous six pieds de terre.
    Tu t'en iras les pieds devant.


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  •                                               Jacques Brel

    Allons il faut partir
    N'emporter que son coeur
    Et n'emporter que lui
    Mais aller voir ailleurs
    Allons il faut partir
    Trouver un paradis
    Bâtir et replanter
    Parfums, fleurs et chimères

    Allons il faut partir
    Sans haine et sans reproche
    Des rêves plein les poches
    Des éclairs plein la tête
    Je veux quitter le port
    J'ai l'âge des conquêtes
    Partir est une fête
    Rester serait la mort

    Allons il faut partir
    Peut-être délaisser
    Les routes d'Amérique
    Et les déserts peuplés

    Allons il faut partir
    Elle n'est plus chimérique
    La voie des voies lactées
    La lune s'est allumée.


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  •  

                              Les marquises-                 Jacques Brel

    Ils parlent de la mort
    Comme tu parles d'un fruit
    Ils regardent la mer
    Comme tu regardes un puit
    Les femmes sont lascives
    Au soleil redouté
    Et s'il n'y a pas d'hiver
    Cela n'est pas l'été

    La pluie est traversière
    Elle bat de grain en grain
    Quelques vieux chevaux blancs
    Qui fredonnent Gauguin

    Et par manque de brise
    Le temps s'immobilise
    Aux Marquises

    Du soir montent des feux
    Et des pointes de silence
    Qui vont s'élargissant
    Et la lune s'avance

    Et la mer se déchire
    Infiniment brisée
    Par des rochers qui prirent
    Des prénoms affolés

    Et puis plus loin des chiens
    Des chants de repentance
    Des quelques pas de deux
    Et quelques pas de danse

    Et la nuit est soumise
    Et l'alizé se brise
    Aux Marquises

    Le rire est dans le cœur
    Le mot dans le regard
    Le cœur est voyageur
    L'avenir est au hasard

    Et passent des cocotiers
    Qui écrivent des chants d'amour
    Que les sœurs d'alentour
    Ignorent
    D'ignorer

    Les pirogues s'en vont
    Les pirogues s'en viennent
    Et mes souvenirs deviennent
    Ce que les vieux en font

    Veux tu que je dise
    Gémir n'est pas de mise
    Aux Marquises

     

    THE MARQUESAS*
     
     
    They talk about death as you talk about a fruit
    They look at the sea as you look at a well
    Women are lascivious under the dreaded sun
    And if there's no winter, then it's not summer
    The rain runs across, threshes one grain then another
    A few old white horses humming Gauguin*
    And by lack of breeze, time comes to a standstill
    At the Marquesas
     
     
    Evening lights go up and silence points
    Go on growing larger, and the moon draws on
    And the sea tears itself apart, immeasurably broken
    By rocks going now by demented names
    And then, further, dogs, repentance songs
    And a few pas de deux, and a few dance steps
    And the night is submissive and the trade wind breaks
    At the Marquesas
     
     
    Laughter is in the heart, the word is in the eyes
    The heart is wanderer, the future is random
    And coconut palms pass by, writing love songs
    That nearby sisters ignore to ignore
    Pirogues go, pirogues come
    And my memories become what the old people make of them
    Tell you what, whining isn't appropriate
    At the Marquesas.

     


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  •                      Georges Brassens.

     Mourir pour des idées, l'idée est excellente
    Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eu
    Car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante
    En hurlant à la mort me sont tombés dessus
    Ils ont su me convaincre et ma muse insolente
    Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
    Avec un soupçon de réserve toutefois
    Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
    D'accord, mais de mort lente

    Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure
    Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
    Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure
    Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain
    Or, s'il est une chose amère, désolante
    En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater
    Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée
    Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
    D'accord, mais de mort lente

    Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre
    Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas
    Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire
    C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas
    Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent
    Bientôt Mathusalem dans la longévité
    J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté
    "Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
    D'accord, mais de mort lente"

    Des idées réclamant le fameux sacrifice
    Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
    Et la question se pose aux victimes novices
    Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ?
    Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
    Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau
    Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau
    Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
    D'accord, mais de mort lente

    Encor s'il suffisait de quelques hécatombes
    Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât
    Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
    Au paradis sur terre on y serait déjà
    Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes
    Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez
    Et c'est la mort, la mort toujours recommencée
    Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
    D'accord, mais de mort lente

    O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres
    Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
    Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres!
    La vie est à peu près leur seul luxe ici bas
    Car, enfin, la Camarde est assez vigilante
    Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux
    Plus de danse macabre autour des échafauds!
    Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
    D'accord, mais de mort lente

                                                


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