•                                    Léo Ferre

    A mon enterrement j’aurai des cheveux blancs
    Des dingues et des Pop aux sabots de guitare
    Des cheveux pleins de fleurs des champs dedans leurs yeux
    Hennissant des chansons de nuit quand y en a marre
    J’aurai des mômes de passe, ceux que j’ai pas finis
    Des filles de douze ans qui gonflent sous l’outrage
    Des Chinoises des Russes des Nordiques remplies
    Des rues décapitées par des girls de passage

    A mon enterrement

    Et je ferai l’amour avec le croque-mort
    Avec sa tête d’ange et ses dix-huit automnes
    Douze pour la vertu et six mourant au port
    Quand son navire mouillera comme un aumône
    A mon enterrement j’aurai un cœur de fer
    Et me suivrai tout seul sur le dernier bitume
    Lâchant mon ombre enfin pour me mettre en enfer
    Dans le dernier taxi tapinant dans la brume

    A mon enterrement

    Comme un pendu tout sec perforé de corbeaux
    A mon enterrement je gueulerai quand même
    J’aurai l’ordinateur facile avec les mots
    Des cartes perforées me perforant le thème
    Je mettrai en chanson la tristesse du vent
    Quand il vient s’affaler sur la gueule des pierres
    La nausée de la mer quand revient le jusant
    Et qu’il faut de nouveau descendre et puis se taire

    A mon enterrement

    A mon enterrement je ne veux que des morts
    Des rossignols sans voix des chagrins littéraires
    Des peintres sans couleurs des acteurs sans décor
    Des silences sans bruits des soleils sans lumière
    Je veux du noir partout à me crever les yeux
    Et n’avoir jamais plus qu’une idée de voyance
    Sous l’œil indifférent du regard le plus creux
    Dans la dernière métaphore de l’offense

    A mon enterrement


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  •                                Georges Brassens

    Anticlérical fanatique
    Gros mangeur d’écclésiastiques,
    Cet aveu me coûte beaucoup,
    Mais ces hommes d’Eglise, hélas!
    Ne sont pas tous des dégueulasses,
    Témoin le curé de chez nous.

    Quand la foule qui se déchaîne
    Pendit un homme au bout d’un chêne
    Sans forme aucune de remords,
    Ce ratichon fit scandale
    Et rugit à travers les stalles,
    "Mort à toute peine de mort!"

    Puis, on le vit, étrange rite,
    Qui baptisait les marguerites
    Avec l’eau de son bénitier
    Et qui prodiguait les hosties,
    Le pain bénit, l’Eucharistie,
    Aux petits oiseaux du moutier.

    Ensuite, il retroussa ses manches,
    Prit son goupillon des dimanches
    Et, plein d’une sainte colère,
    Il partit comme à l’offensive
    Dire une grand’ messe exclusive
    A celui qui dansait en l’air.

    C’est à du gibier de potence
    Qu’en cette triste circonstance
    L’Hommage sacré fut rendu.
    Ce jour là, le rôle du Christ(e),
    Bonne aubaine pour le touriste,
    Eté joué par un pendu.

    Et maintenant quand on croasse,
    Nous, les païens de sa paroisse,
    C’est pas lui qu’on veut dépriser.
    Quand on crie "A bas la calotte"
    A s’en faire péter la glotte,
    La sienne n’est jamais visée.

    Anticléricaux fanatiques
    Gros mangeur d’écclésiastiques,
    Quand vous vous goinfrerez un plat
    De cureton, je vous exhorte,
    Camarades, à faire en sorte
    Que ce ne soit pas celui-là.


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  •              Jean-Jacques Goldman

    Puisque l'ombre gagne  
    Puisqu'il n'est pas de montagne
    Au-delà des vents plus hautes que les marches de l'oubli

    Puisqu'il faut apprendre 
    À défaut de le comprendre
    À rêver nos désirs et vivre des "Ainsi-soit-il"

    Et puisque tu penses
    Comme une intime évidence
    Que parfois même tout donner n'est pas forcément suffir
    Puisque c'est ailleurs
    Qu'ira mieux battre ton coeur
    Et puisque nous t'aimons trop pour te retenir
    Puisque tu pars

    Que les vents te mènent
    Où d'autres âmes plus belles
    Sauront t'aimer mieux que nous puisque l'on ne peut t'aimer plus
    Que la vie t'apprenne
    Mais que tu restes le même
    Si tu te trahissais nous t'aurions tout à fait perdu
    Garde cette chance
    Que nous t'envions en silence
    Cette force de penser que le plus beau reste à venir
    Et loin de nos villes
    Comme octobre l'est d'avril
    Sache qu'ici reste de toi comme une empreinte indélébile
    Sans drame, sans larme
    Pauvres et dérisoires armes
    Parce qu'il ait des douleurs qui ne pleurent qu'à l'intérieur
    Puisque ta maison
    Aujourd'hui c'est l'horizon
    Dans ton exil essaie d'apprendre à revenir
    Mais pas trop tard

    [Refrain]
    Dans ton histoire
    Garde en mémoire
    Notre au revoir
    Puisque tu pars

     



    Dans ton histoire
    Garde en mémoire
    Notre au revoir
    Puisque tu pars

    Dans ton histoire

    J'aurai pu fermer (Garde en mémoire)
    Oublier toutes ces portes (Notre au revoir)
    Tout quitter sur un simple geste (Puisque tu pars)
    Mais tu ne l'as pas fait (Dans ton histoire)
    J'aurai pu donner (Garde en mémoire)
    Tant d'amour et tant de force (Notre au revoir)
    Mais tout ce que je pouvais (Puisque tu pars)
    Ça n'était pas encore assez (Dans ton histoire)
    Pas assez (Garde en mémoire)
    Pas assez (Notre au revoir)
    Pas assez (Puisque tu pars)


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  •                                  Georges Brassens

    À peine sortis du berceau
    Nous sommes allés faire un saut
    Au boulevard du temps qui passe
    En scandant notre "ça ira"
    Contre les vieux, les mous, les gras
    Confinés dans leurs idées basses
    On nous a vus, c'était hier
    Qui descendions, jeunes et fiers
    Dans une folle sarabande
    En allumant des feux de joie
    En alarmant les gros bourgeois
    En piétinant leurs plates-bandes
    Jurant de tout remettre à neuf
    De refaire '89
    De reprendre un peu la Bastille
    Nous avons embrassé, goulus
    Leurs femmes qu'ils ne touchaient plus
    Nous avons fécondé leurs filles
    Dans la mare de leurs canard
    Nous avons lancé, goguenards

    Force pavés, quelle tempête
    Nous n'avons rien laissé debout
    Flanquant leurs credos, leurs tabous
    Et leurs dieux, cul par-dessus tête
    Quand sonna le "cessez-le-feu"
    L'un de nous perdait ses cheveux
    Et l'autre avait les tempes grises
    Nous avons constaté soudain
    Que l'été de la Saint-Martin
    N'est pas loin du temps des cerises
    Alors, ralentissant le pas
    On fit la route à la papa
    Car, braillant contre les ancêtres
    La troupe fraîche des cadets
    Au carrefour nous attendait
    Pour nous envoyer à Bicêtre
    Tous ces gâteux, ces avachis
    Ces pauvres sépulcres blanchis
    Chancelant dans leur carapace
    On les a vus, c'était hier
    Qui descendaient jeunes et fiers
    Le boulevard du temps qui passe


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  •                                                                Georges Brassens 

    Avec cette neige à foison
    Qui coiffe, coiffe ma toison
    On peut me croire à vue de nez
    Blanchi sous le harnais
    Eh bien, Mesdames et Messieurs
    C'est rien que de la poudre aux yeux                                                                              C'est rien que de la comédie
    Que de la parodie

    C'est pour tenter de couper court
    A l'avance du temps qui court
    De persuader ce vieux goujat
    Que tout le mal est fait déjà
    Mais dessous la perruque j'ai
    Mes vrais cheveux couleur de jais
    C'est pas demain la veille, bon Dieu
    De mes adieux

    Et si j'ai l'air moins guilleret
    Moins solide sur mes jarrets
    Si je chemine avec lenteur
    D'un train de sénateur
    N'allez pas dire "Il est perclus"
    N'allez pas dire "Il n'en peut plus"
    C'est rien que de la comédie
    Que de la parodie

    Histoire d'endormir le temps
    Calculateur impénitent
    De tout brouiller, tout embrouiller
    Dans le fatidique sablier
    En fait, à l'envers du décor
    Comme à vingt ans, je trotte encore
    C'est pas demain la veille, bon Dieu
    De mes adieux

    Et si mon c?ur bat moins souvent
    Et moins vite qu'auparavant
    Si je chasse avec moins de zèle
    Les gentes demoiselles
    Pensez pas que je sois blasé
    De leurs caresses, leurs baisers
    C'est rien que de la comédie
    Que de la parodie

    Pour convaincre le temps berné
    Qu'mes fêtes galantes sont terminées
    Que je me retire en coulisse
    Que je n'entrerai plus en lice
    Mais je reste un sacré gaillard
    Toujours actif, toujours paillard
    C'est pas demain la veille, bon Dieu
    De mes adieux

    Et si jamais au cimetière
    Un de ces quatre, on porte en terre
    Me ressemblant à s'y tromper
    Un genre de macchabée
    N'allez pas noyer le souffleur
    En lâchant la bonde à vos pleurs
    Ce sera rien que comédie
    Rien que fausse sortie

    Et puis, coup de théâtre, quand
    Le temps aura levé le camp
    Estimant que la farce est jouée
    Moi tout heureux, tout enjoué
    J'm'exhumerai du caveau
    Pour saluer sous les bravos
    C'est pas demain la veille, bon Dieu
    De mes adieux   


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